29 avril à 19h30
30 avril à 19h30

une sale histoire

théâtre - Scarface Ensemble

Fedor Dostoïevski


Presse

Les pièges d'une sale histoire

Un spectacle exigeant, et qui assume jusqu'au bout sa démarche : c'est Une sale histoire, de la compagnie mulhousienne Scarface Ensemble. Marc-Henri Boisse y est impressionnant. La Douce de Dostoïevski est une nouvelle faite pour être dite. Le narrateur n'écrit pas, il raconte le ratage de sa vie et Élisabeth Marie, pour le Scarface Ensemble, en fait Une sale histoire. Le récit intime du parcours d'un homme d'âge mûr chassé de l'armée après avoir refusé de se battre en duel. Ainsi sorti de la norme, ...

Véronique Leblanc

Article paru dans l'édition du
Jeudi 7 Décembre 2006 DNA

Une sale histoire

La compagnie Scarface Ensemble adapte la nouvelle La Douce de Dostoïevski, une fascinante plongée introspective dans les méandres de la pensée.

« Multiple, inépuisable, contradictoire comme l’être humain ! » C’est ainsi que la metteur en scène Elisabeth Marie caractérise l’écriture de Dostoïevski, d’une finesse psychologique telle qu’elle semble préfigurer la révolution de la psychanalyse. « Dostoïevski est la seule personne qui m'ait appris quelque chose en psychologie » a dit Nietzsche ! Dans La Douce (1876), le narrateur raconte le naufrage de sa vie et tente de comprendre comment le drame a pu advenir. Cet homme d’âge mûr, qui a été chassé de l’armée pour avoir refusé de se battre en duel, a vécu misérablement jusqu’à ce qu’un héritage lui permette de devenir usurier. Il épouse alors une jeune fille de seize ans afin de la sauver d’une extrême pauvreté. Lorsque la pièce commence, le cadavre de son épouse gît, elle s’est défenestrée. « Il se justifie, il l’accuse et se lance en de fausses interprétations » écrit Dostoïevski. Un soliloque introspectif qui suit les méandres contradictoires de la pensée, où le psychisme de l’individu isolé croise les injustices sociales et les désirs de vengeance qui en découlent. La pièce résonne aussi dans notre monde contemporain, où les mariages forcés n’ont pas disparu, où la vulnérabilité des êtres conduit parfois à des comportements inhumains et des processus de destruction. Des voix enregistrées mêlées à des sons et des musiques font entendre des extraits des Démons. C’est Marc-Henri Boisse qui donne corps et voix à cet homme en quête d’une terrible et impossible vérité.

Agnès Santi  in la Terrasse

 

Dostoievski revisité au Lucernaire

Il faut monter au Paradis, la salle la plus haute du théâtre parisien, le Lucernaire, pour entendre résonner la voix de Marc-Henri Boisse.
Seul en scène, le comédien, assis sur une chaise en bois, sur un tapis rouge entouré d'éclats de verre scintillants, interprète le rôle d'un officier russe devenu usurier. Interprète, et non pas déclame un texte. C'est là toute la force de cette pièce: l'intensité du jeu de cet acteur qui emplit la petite pièce.
Il raconte son histoire et celle de sa jeune épouse. Il se trompe un peu dans le fil de leur histoire, encore sous le coup d'une émotion vive mais inconnue pour ses interlocuteurs. D'un éclat de rire à un silence, l'homme sonde sa conscience, revisite les faits, un à un.
Ancien officier, il a reprit une affaire de prêteur sur gages. Tous les jours, une adolescente vient déposer chez lui quelques babioles. Sans un mot, sans un regard. Terriblement fière, elle n'en est pas moins pauvre et accepte donc l'argent tendu, même insuffisant. Au fur et à mesure, l'usurier tombe sous les charmes de la jeune rebelle. Il décide de l'épouser, la ravit à ses tantes, bien contente de s'en débarrasser. Elle cède, contrainte. Cette nouvelle vie qui la met à l'abri du besoin, où un homme lui donne de l'amour, ne lui convient pas. En sécurité, certes, mais l'oiseau est malheureux et ne chante qu'une fois les barreaux de sa cage dorée ouverts.
Doucement, alors que l'ancien soldat s'habitue à cette présence et à cette nouveau quotidien en duo, la toute jeune femme sombre dans la maladie, un ersatz de folie. Son bonheur retrouvé, après trois ans d'errance, de solitude et d'humiliation, l'homme ne voit rien venir. Une fois sa femme rétablie de six semaines de délire fiévreux, elle semble lui promettre une longue vie tranquille. Mais il se trompait. Et elle commet le pire. Et lui demeure interdit. Il ne comprend pas son geste. Il lui en vaut d'avoir tu ses envies, d'avoir gâché leurs vies, il s'interroge. Peut-être finira-t-il par faire sien ce bonheur qui a encore pris son envol...
Avec une mise en scène minimaliste, sans décor (quelques jeux de lumière tout au plus) ni musique (quelques bruitages font office de bande son), c'est l'univers sombre et dense de Dostoievski qui est ici offert au public. Le seul guide n'est autre que la voix, puissante et nuancée, du comédien Marc-Henri Boisse, tel un fil conducteur.
Amateurs de classique, de nouvelles expériences théâtrales, courrez voir cette pièce. Vibrations garanties.

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