5 février à 20h30

Barbara Carlotti

concert la voix des mots


Parcours

ses derniers albums

Barbara Carlotti, un bras en l'air, est devant un mur en céramiqu.

On sait depuis Baudelaire, cité ici au détour d’une strophe, que Spleen et idéal constituent ces deux pôles d’attraction du sentiment humain, et que les plus belles œuvres sont le fruit d’une noce célébrée dans l’intimité entre un gros bourdon et une folle guêpe, d’un jeu de cache-cache entre le désenchantement et l’ivresse.

Avec Les Lys brisés, son premier album – qui succédait au mini lp autoproduit Chansons -, Barbara Carlotti déployait en 2006 un majestueux nuancier de teintes ombrageuses, orgueilleuses, d’où émanait un spleen magnétique dont seules les Barbara semblent détenir le secret. Même les cancans moqueurs de Cannes, respiration insolente du disque – qui devint deux années durant le générique du Grand Journal de Canal + sur la Croisette - rappelaient cette euphorie plombée des romans de Sagan. Première, et à ce jour unique signature française du prestigieux label 4AD (Cocteau Twins, Pixies), Barbara Carlotti incarnait, vu d’ailleurs, de Londres à New York en passant par Montréal où ses concerts firent événement, le chic frenchy absolu de la jolie parisienne, à l’élégance légèrement distante.

Toutefois, ceux qui la connaissent dans la vraie vie, comme ceux qui eurent l’occasion de l’apercevoir sur scène, savent combien sa nature débordante ne saurait contenir à l’intérieur d’un seul flacon d’humeurs maussades, aussi enivrant soit-il.

Avec L’idéal, c’est donc un autre profil qu’elle dévoile, ostensiblement plus solaire, plus charmeur et joueur, sans rien abandonner de sa distinction naturelle, l’écriture sophistiquée et la voix capiteuse de Barbara Carlotti irriguant avec une égale majesté les mélodies d’automne et les airs balnéaires. Comme Brigitte Fontaine ou Katerine, qu’elle admire, elle sait que l’intensité et la frivolité ne sont en rien des sœurs ennemies, bien au contraire, et que tout repose sur cet équilibre de funambule que seul un fort tempérament – et un brin d’autodérision - permet d’atteindre. Aujourd’hui, comme l’indique l’un des titres les plus voluptueux du nouvel album, le moment est venu d’un Changement de saison.

De sa Corse natale, elle cherchait donc cette fois à retrouver l’ardente et vivifiante inspiration climatique, l’indolence naturelle, la félicité estivale et ses plaisirs épicuriens. Autant de bonheurs éphémères mais inoubliables comme un grand vin, autant de moments de grâce qu’elle évoque d’entrée dans L’idéal, la chanson, qui pose le décor d’un album où la musique aussi s’est étoffée d’ambitions nouvelles.

Rencontré à l’occasion d’un duo pop irrésistible avec Michel Delpech (Et Paul chantait Yesterday), le réalisateur Jean-Philippe Verdin n’a pas tardé à lui proposer ses services, achevant de la convaincre de l’évidence de leur association en lui faisant écouter son album Babilonia, produit sous le nom de Readymade, et aussi en relevant leurs idéaux communs : les chansons faussement flegmatiques de Donovan, les harmonies poivrées des brésiliens de Os Mutantes, les Beach Boys et toute la clique des ensorceleurs de la pop jusqu’aux Gorillaz ou Feist d’aujourd’hui.

Barbara Carlotti, qui a le chic pour s’entourer des esthètes français les plus exigeants, a également choisi de confier les arrangements de cordes à Mehdi Zannad, alias Fugu, qui travaillait en parallèle avec le cinéaste Serge Bozon (Mods, La France) dont elle est proche. Benjamin Esdraffo, autre intime de Bozon, tient les pianos particulièrement « kinksiens » de l’album et signe la musique troublante de Vous dansiez sous influence spectorienne.  Non moins remarquable – et toute aussi logique – est la présence à bord de Bertrand Belin, musicien virtuose (et chanteur précieux) avec lequel Barbara a récemment partagé sur scène le couvert l’an dernier dans la pièce de théâtre « en-chantée » de Olivier Libaux, Imbécile.
Enfin, dans les interlignes d’une Lettre splendide, on entendra la voix unique du Canadien Patrick Watson, révélé avec l’album Close to paradise.

Tout près du paradis, c’est précisément là où nous entraîne Barbara Carlotti durant ces onze chansons aux rythmiques et aux arrangements tout en effervescence.  Qu’elle s’amuse en anglais telle une Peggy Lee (Kisses) ou qu’elle se frotte aux syncopes du rock-steady (sur l’absurde histoire de Mademoiselle Opossum), qu’elle vocalise divinement sur une guitare nue (Bête farouche, qui n’est pas sans évoquer Serge Rezvani) ou qu’elle se laisse envahir par Le Chant des sirènes, Barbara Carlotti n’est jamais l’une de ses chanteuses bibelots que l’on pose indifféremment sur des musiques d’ameublement. Elle qui écrit et compose l’essentiel a su simplement montrer ici l’étendue de son inspiration, et c’est encore son fort caractère qui l’autorise à changer d’humeur aussi souvent sans jamais perdre son fil. Un peu trop hâtivement caricaturée en égérie néo-sixties, elle affirme certes un goût pour la pétulance stylée des années pop mais son style à elle n’a pas d’age.
Elle est classique et audacieuse, émouvante et perfide, drôle et sophistiquée, détachée et passionnée, très anglophile et irrémédiablement française. Elle dit toujours « dans l’idéal, il faudrait… » pour exprimer ses désirs les plus fous et en précipiter l’accomplissement. Dont L’idéal nous en apporte aujourd’hui la preuve éclatante. 
 

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