UNE


note d'intention


mettre en scène


la compagnie


Claire Rengade











note d'intention

En 2003, la compagnie théâtre Craie est en résidence au Centre culturel Théo Argence. Les comédiens sillonnent la ville et jouent plusieurs petites formes spectaculaires écrites dans différents lieux : une boucherie, la fromagerie du Château, le pressing de l'hôtel de ville, la salle de Fitness, la piscine en réfection et sur les travaux du tramway.

Lorsque j'écris, je suis à la fois influencée par les lieux que nous traversons, les personnes que nous rencontrons, et les activités auxquelles nous participons. Nous avons par exemple, sur Saint-priest, consacré plus de temps aux activités sportives, tant il nous semblait important, en tant qu'acteurs, de mettre notre corps en jeu avec d'autres, en allant en priorité vers ce qu'on ne connaissait pas. Nous avons repris, quatre ans plus tard, quelques-unes de ces activités au cours des répétitions. En venant à Saint-Priest, j'étais en train de cogiter sur les jeux vidéo, où il m'intrigue que l'acteur ne soit pas sur la même scène que le personnage qu'il joue. Puis l'actualité a voulu que les américains arrivent en Irak, alors tout s'est focalisé sur ce jeu-là pour moi. Les supers héros, jouets forcément guerriers et d'origine américaine de surcroît, se sont mis à sillonner la ville avec des préoccupations très réelles d'acteurs. Ce conflit international un peu loin, mal perçu, angoissant et impalpable est comme un son imperceptible et obsédant, un robinet qui coule par exemple, parfois tu l'oublies, et soudain il prend tout le plateau. Comme tient toute la place cette sorte de monument hiératique et ostentatoire qu'est ta télévision sur le buffet.

Alors on va jouer à ça. Il y a des acteurs et des spectateurs, on va dire nous, pour simplifier, il y a nous, au théâtre.

Nous, et le jeu, puisque ça joue. Ça joue au théâtre ça veut dire qu'on joue ensemble. On pourrait jouer au badminton pareil, toi sur un terrain et moi sur l'autre terrain, et le filet au milieu. Le filet, si on est face à face, on dirait que c'est le bord de scène. Bon.

Puis on est là dans notre lieu clos - le théâtre - à attendre que dehors ça se calme, le conflit international dont je parlais juste plus haut. Parce que c'est à cela qu'on a joué, c'est à cela qu'on joue en vrai, on s'occupe, on se prépare, on se peaufine, on se regarde, on s'identifie, on a un avis, on a des valeurs, on croit en, on veut plaire, on est à vue, et pendant ce temps dehors, de l'autre côté du théâtre ou du bunker, ou de la télé, ou de ta tête, ou de n'importe quelle boîte que tu choisis, il se passe quelque chose. En fait, il va se passer quelque chose, on attend. On se tient prêts.
On se tient prêts au cas où.
On s'entraîne.
On a les accessoires pour.
On a des visuels qui rassurent et des rituels de plateau.
Entrée sortie entrée sortie.
Fais comme si.

Claire Rengade