Lettres de prison...
En février 1915, Rosa Luxemburg est jugée pour incitation publique à la désobéissance - pour avoir prononcé un discours appelant les ouvriers allemands à ne pas prendre les armes contre les ouvriers d’autres nationalités - reconnue coupable et condamnée à un an de prison.

Incarcérée à la prison pour femmes de la Barnimstrasse, elle se consacre à l’écriture : elle tient un journal et envoie de très nombreuses lettres à ses compagnons politiques, à ses amis, à ses amours. De plus, le parti social-démocrate allemand ayant versé les 60 marks exigés des prisonniers pour le privilège de s’occuper de leurs propres travaux plutôt que du travail de la prison, elle peut aussi consacrer du temps à la lecture mais aussi à la botanique, sujet qui la passionne : elle prend grand soin du petit jardin qui se trouve devant sa cellule.

Libérée en février 1916, Rosa Luxemburg est à nouveau arrêtée cinq mois plus tard, et ramenée à la Barnimstrasse. Faute de preuves pour l’inculper, on la place en détention administrative, type d’incarcération limité à trois mois pouvant toutefois être renouvelé à la discrétion des autorités.

A la fin d’octobre 1916, Rosa est transférée à la prison de Wronke, près de Poznan, en Pologne annexée par la Prusse. Dans une petite maison distincte, on alloue à Rosa une chambre et un salon donnant sur un petit jardin.

Elle s’adonne de nouveau à la botanique et s’immerge dans l’étude de la vie des plantes. Elle continue d’espérer qu’on la relâche... mais chaque prolongation de sa détention administrative lui inflige un nouveau coup.

En 1917, Rosa luxemburg est privée du confort relatif de Wronke et transférée dans une autre prison, à Breslau (Wroclaw) où elle reste un an et quatre mois.

Le 8 novembre 1918, Rosa apprend la nouvelle signature d’une aministie pour les prisonniers de guerre et à dix heures du soir, elle est libérée.

L’image d’une Rosa Luxemburg vaillante révolutionnaire qui vécut et mourut pour la «cause» n’est pas seulement réductrice, elle est déformée. La femme que l’on perçoit dans les lettres écrites par elle-même aux hommes qu’elle aima est une personne de chair et de sang, avec ses forces et ses faiblesses, ses triomphes et ses cauchemars. Brillante et courageuse, elle n’en était pas moins assaillie par les doutes, l’insécurité et les déceptions inévitables dans la vie d’une femme qui transcendait son époque.

Elzbieta Ettinger
«Rosa Luxemburg, une vie»

suite