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| Coup de cur à Picq
Le retour au réel et donc au politique Pour qui sintéresse aux langues, " les langues sont les maîtresses des âmes " écrivait Sénèque en pleine Pax Romana. Les prises de pouvoir se font avec les armes, bien sûr, dans le sang et leffacement immédiat de ce sang, mais tout autant et sinon plus avec les mots et leffacement immédiat de leur sens. Nous ne tarderons plus à subir et, cette fois, de façon globale si lon suit les derniers conflits en cours, les conséquences des coups dEtat sémantiques à répétition dont nos dernières décennies auront été les témoins. De nos jours, sous couvert de Libéralisme, seul isme restant après la chute du mur de Berlin, les soi-disant projets de société nous concernant sont cyniquement présentés en termes dactions. Fin des idéologies, place aux actes ! Et lacte moderne et " pacifique " par excellence est lacte de gestion ! Mais remarque-t-on assez le diabolique petit préfixe " dé " utilisé : dé-localisation, dé-concentration, dé-centralisation, dé-nationalisation, etc. avec, pour légitimer le tout, le formidable slogan mondial de dé-réglementation, maître mot médiatique qui dit, pourtant, clairement : labandon de toute règle. Le Livre de notre avenir est grand ouvert sur nos genoux : le projet de société(s) en place, au niveau de la planète (la guerrière Pax Americana) comme au niveau de notre chère et douce France droitière (lesprit de mai ! ha ! ha !), est bien celui de dé-faire, et dagir hors de toute règle commune ! Constatons comme il nous est déjà presque impossible partout dans le monde mais chez nous en premier de faire appel à la notion de droit et dutiliser ces termes de Liberté, Egalité, Fraternité, sans que ceux-ci nous reviennent en plein visage tels les fruits pourris dun langage périmé, dune pensée dépassée. Aussi, quand, ces dernières années, nous avons accepté, sans nous rebeller, des glissements de termes nous désignant, passant de la notion dusagers à celle de clients (SNCF) de patients à celle dassurés (SS), de couple à celle de ménage (INSEE), de majorité silencieuse à celle de France den-bas, devons-nous nous étonner dêtre passés, politiquement et sémantiquement, de la notion qualitative de citoyens à celle quantitative de " consommateurs ", dont lexistence politique nest reconnue que pour le taux de croissance que notre indice de consommation induit ? Des " bouches-people " ! Même si, individuellement, le problème ne regarde que la dignité de chacun, collectivement, et mondialement, cest une autre histoire. Le recours systématique, dans les conflits actuels, à nos notions occidentales de démocratie devient dramatiquement mensonger quand nous savons quà lavenir, dans notre journée dêtre humain, et sur lensemble de la planète, les seuls territoires que nous traverserons seront commerciaux et sous contrôle de cinq ou six sociétés que lon nomme, à tort, multinationales quand elles-mêmes se désignent comme trans-nationales, ce qui nest pas du tout la même chose. Cest là que la confusion politique, culturelle et religieuse que connaît le monde daujourdhui, savamment entretenue par les experts de la prédation, de la confiscation et de la démolition, prend tout son sens. Faut-il insister sur ce que les dernières élections françaises et américaines, pour ne parler que delles, ont eu de trouble et de suspect, sapparentant à des coups de force, vidant de sens lacte même de voter ? Les faucons américains et le Médef savaient, eux, ce qui se jouait : la liquidation pure et simple, au nom de léconomie globale, de ces notions de Démocratie, dEtat et de Nation, de citoyenneté et de légalité, et labandon, lâchement consenti par les politiques eux-mêmes, des défenses immunitaires des pays, des états, des nations que ces mêmes politiques sont pourtant censés représenter ! En matière de santé, cette perte des défenses immunitaires sappelle le sida. La maladie politique opportuniste qui nous atteint, tous, de plein fouet nest quune phase du sida économique qui se répand sous couvert de mondialisation. Quand, de plus, on introduit massivement dans nos univers le concept de " réalité virtuelle " sans en définir la nature, mais comme seul principe marchand, le tour de passe-passe sémantique est accompli. Indicateur n°1 de cette réalité virtuelle, largent virtuel de la bourse organise pendant ce temps une réalité bien réelle, elle, passant outre tous les fondamentaux de lhomme concret, né avec des besoins, des droits et des devoirs. Cette négation de lhomme concret est la matrice du plus grand totalitarisme de lHumanité va devoir affronter. Même destin lugubre, donc, pour ce terme de libéralisme que celui de son cousin germain de Liberté sous la Terreur ! Alexandre Zinoviev signalait dès 1976 dans son monumental ouvrage les Hauteurs Béantes : " Ce pour quoi il faut se battre, ce nest plus pour lamélioration de notre existence, mais pour notre participation à lexistence ". Cette participation à lexistence implique un retour obligé au réel et, avec lui, au politique actif. Pour que cette révolution advienne, il faut clamer encore et encore, comme lenfant dans le conte dAndersen, Les Habits neufs de lempereur, la réalité sinistre et nue de lescroquerie en cours. Jean-Yves Picq | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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