| | Lhistoire Je nai jamais été sportif ; les dernières compétitions importantes qui ont fatigué mes muscles sont les concours de billes à lécole primaire dans la cour de récréation. Mes bras, mon souffle court, mes jambes lentes ne me permettaient pas de faire les efforts nécessaires pour taper dans une balle avec efficacité ; je navais que la force de fouiller le monde avec mon esprit. Trop chétif pour le sport, il ne me restait que les neurones pour inventer des jeux de balles. Lintelligence était un pis-aller. Fort de ce constat, mais très déprimé, notre héros (qui nen est pas un) va se lancer dans une vaste entreprise de désensibilisation au monde, afin que son esprit cesse dêtre envahi par tant de curiosité saine. Car être curieux, vouloir comprendre la nature et les hommes, découvrir les arts, devrait être la tendance de tout esprit. Mais si cela était, avec lorganisation actuelle du travail, le monde sarrêterait de tourner, simplement parce que cela prend du temps et développe lesprit critique. Plus personne ne travaillerait. Aussi, après avoir essayé - en vain - dêtre alcoolique et de se suicider, sous heurozac, notre héros qui pourrait tout à fait en être un, pourra alors sadonner aux joies de la vraie vie
. Le pourquoi Une fois passé ce titre qui ne pouvait pas me laisser indifférente après que jai créé un spectacle en 2001 (Un nom doiseau) à propos de conneries et de cons en tous genres (desquels je ne métais pas épargnée !), voilà que je plongeais dans le livre. Et ce fut un réel bonheur de lecture, rare. Il me devenait alors évident - et urgent - de faire partager aux spectateurs ce plaisir. Immédiatement jai pensé à Thomas Poulard pour nous faire entendre ces paroles. aussi, lorsque celui-ci accepta la proposition, oscillait-il entre le plaisir davoir été choisi, et le fait que ce soit une évidence pour moi quil devienne stupide
Deuxième étape qui allait savérer plus ardue que je limaginais : obtenir les droits. En effet, Martin Page fut à la hauteur de ses écrits, et, par esprit de contradiction, me les refusa tout net. Ce ne fut quà la suite dun échange épistolaire fourni, qui accentua encore mon désir dadapter à la scène ce texte et dentrer dans lunivers de cet auteur, quil maccorda en exclusivité les droits. Troisième étape : le travail Il nest jamais commode daborder le thème de la stupidité, de la bêtise, ou autres conneries en tous genres. En effet, on se retrouve typiquement dans la situation de cest celui qui dit qui y est. Critiquer, cest se penser supérieur
et donc forcément sombrer dans une catégorie dimbécillité, et pas des moindres. Dans Comment je suis devenu stupide, ce nest donc pas tant la critique des autres qui mintéresse mais bien comment chacun (de nous) peut se laisser piéger par la facilité quon lui (nous) propose. Comme dans une espèce de conte initiatique moderne, où lhumour est nécessaire pour nous permettre de sourire de nos travers et faiblesses. Le texte est donc dit par un seul comédien qui, de narrateur, simmerge petit à petit dans le personnage - et dans la bêtise ? Seul à sa table, buvant du thé (comme les spectateurs dailleurs), il incarne, uniquement par la voix et la posture, la dégringolade du héros dans le quotidien ainsi que tous les personnages quil croise. Lacteur ne se lève pas de sa table, passant de limmobilité de celui qui pense trop à lavachissement de celui qui ne pense plus, mais, peut-être, à la toute fin se lèvera-t-il
pour affronter la vie
tel un fantôme ? La forme volontairement légère de ce spectacle permettra de le jouer dans des endroits divers (en et hors théâtres) et pour des jauges variables. Il est juste souhaitable, mais non nécessaire, que les spectateurs soient installés à des tables et puissent consommer, tel le héros, du thé ou autre breuvage. | |