Des papillons sous les pas
Voici deux voyageurs dont le bagage est une colère à partager : l’exil à travers l’Himalaya d’enfants du Tibet afin d’échapper à la domination chinoise et retrouver leur liberté et leur culture de l’autre côté de la frontière.
Disons-le tout de suite, dans ce trajet, qui peut durer deux mois, ceux qui n’ont pas la capacité de grandir très vite, c’est à dire à chaque pas, mourront. Même s’il concerne des enfants, le destin est clair et sans pitié la-dessus.
Car il n’y a pas que les difficultés du parcours, comme la fatigue, le froid ou les hallucinations, déjà monstrueux à cette altitude, ou comme l’envahisseur ulcéré lancé à vos trousses.
Quitter son pays peut laisser quelquefois l’esprit tellement en arrière du corps qui avance que la séparation devient inévitable. Il faudrait apprendre à rentrer en soi, sans y laisser ses forces et ses repères, pour se protéger du deuil permanent que l’on fabrique ; et refuser toutes les secondes, avec l’obstination d’un animal, de lâcher ce qui est devenu précieux , le sens de l’humour.

Voici donc trois enfants et leur guide sur le bord de leur vie. Ce ne serait pas sot d’ajouter l’énergie de nos yeux à leur folie d’avancer. Et peut-être quatre rires pourque chacun possède son véhicule invisible.

Jean Cagnard

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